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"Welcome to a brand-new beginning you sorry shits" : retour sur The Walking Dead s07e01 &q

  • Quentin
  • 27 oct. 2016
  • 7 min de lecture

On vous demande de « revenir pour souffrir », avait dit Andrew Lincoln, et l'épisode « The Day Will Come When You Won't Be » a été traumatisant, comme il devait l'être, rythmé par un Negan déchaîné qui se donne en spectacle. Certains hurlent encore au scandale ; pour ma part, entre les larmes et les tremblements, j'ai trouvé cet épisode extrêmement riche. Je ne suis pas très doué pour les critiques, mais je vais faire une petite analyse de ce qui s'est joué dans cet épisode, plus horrifique que « JSS » (S06E02 avec l'attaque des Wolves) et plus douloureux que la destruction de la prison par le Gouverneur en milieu de saison 4.

« I bet you thought you were all gonna grow old together, sittin' around the table at Sunday dinner and the happily ever after… No." (source: thewalkingdeadgirl.com

Comme on pouvait s'y attendre, Rick&Co ont déjà perdu face à Negan ; s'ils veulent survivre, ils ne peuvent qu'accepter son autorité, accepter la défaite comme un nouveau départ. Il ne s'agit pas d'une crise à régler immédiatement : Negan bat en brèche ce qu'ils avaient espéré construire à Alexandria pendant la saison 6 (où l'omniprésence du vert à l'écran redonnait foi en l'avenir). Il lui substitue un brouillard grisâtre et épais et une Lucile qui fait voler en éclats toutes nos certitudes, laissant en fin d'épisode une mère enceinte veuve et les deux bouts arrachés d'un triangle amoureux, laissées seules avec les sombres trémolos de Bear McCreary.


Contrairement aux Wolves ou aux cannibales de Terminus, l'arrivée de Negan est tout sauf temporaire. L'acteur Jeffrey Dean Morgan – qui l'interprète magistralement – fait déjà partie du casting principal et n'est donc pas prêt de nous laisser tranquilles. Si nous avons eu droit au cliffhanger de fin de saison 6, c'est parce que la double mort de Glenn et Abraham n'est pas une fin, si tragique fût-elle : elle annonce une nouvelle ère de violence pour la série télévisée, où, non plus Rick, mais Negan est aux commandes. Comme pour le début de la saison 6 « First Time Again », Scott M. Gimple, le showrunner, écrit l'épisode et Greg Nicotero le réalise. Leur co-signature donne le ton de la saison à venir. Si le retour de Morgan avait amené de l'espoir l'année dernière, l'arrivée de Negan fait tout voler en éclats. Et c'est encore un nouveau commencement : « Welcome to a brand-new beginning, you sorry shits », annonce-t-il à la fin de l'épisode. À travers lui, ce sont les producteurs qui nous parlent (et nous insultent au passage) : Vous vouliez du sang, vous trouviez la saison 6 plus faible… eh bien vous ne serez pas déçus !


Revenons tout d'abord sur la signification du titre : un article de comicbookmovie.com (voir https://www.comicbookmovie.com/tv/amc/the_walking_dead/the-walking-dead-season-7-premiere-title-and-synopsis-features-a145874) a remarqué qu'il renvoie à l'épisode « TS-19 » (S01E06). Lorsque le Dr Jenner laisse finalement Rick&Co quitter le CDC avant qu'il n'implose et leur donne une chance de survie, Rick lui exprime sa reconnaissance (« I'm grateful »), et le docteur lui annonce qu'elle ne durera pas (« The day will come when you won't be »), une réplique qui donne son titre et sa profondeur à l'épisode que nous venons de voir. En effet, dans cet épisode, nous assistons à un Rick déchu, traîné comme un chien et pleurant avec la morve au nez. Negan fait régresser Rick à l'état de bébé pour nous introduire à une nouvelle existence, cruelle, violente, macabre, sans foi ni loi. Rick reste muet presque tout l'épisode, ballotté et humilié par un sociopathe qui essaie visiblement de le ramener à sa cause par tous les moyens. Il ne retrouve la parole que pour le supplier d'épargner son fils.


Cet épisode donne à voir Negan en spectacle dans toute sa cruauté et sa profondeur. Face au mutisme de Rick, il tient l'antenne presque tout seul pendant quarante minutes. Quand on ne le voit pas, il s'impose en voix-off pour guider Rick dans ses choix. Le personnage est extrêmement riche : on le voit commettre une boucherie horrifique, torturer psychologiquement Rick, détendre la situation par un humour noir, macabre, gore et complice, humilier les protagonistes, puis compatir avant de continuer froidement son massacre (« Hell, I can see this is hard on you guys. I am sorry, I truly am. But I did say, no exceptions ! »), sauver Rick après l'avoir jeté au milieu des zombies. Ce n'est pas un cinglé qui a perdu la boule, c'est un leader implacable qui maîtrise la situation avec sang-froid.


Tout l'intérêt de l'épisode est dans le désir de Negan de faire disparaître le regard meurtrier de Rick, de faire régresser le héros charismatique que nous suivons depuis six ans à l'état de morveux (« That trip was about the way you look at me. I wanted to change that, I wanted you to understand »). La tâche n'est pas moindre et mérite bien un épisode, car ce nouveau départ signe la fin (du moins provisoire) de la Ricktature et le début d'une ère violente sous le signe de la productivité : « You were in charge. Hell, you were probably addicted to it. And now, well… clip clip, that's over. But… you can still live a nice, productive life producing for me ».


Negan, c'est aussi et surtout une complicité dérangeante avec le spectateur : ses remarques humoristiques et désarmantes témoignent qu'il a une grande intelligence de la situation, de ce qu'elle signifie pour les personnages. Les producteurs le font même maître de la narration filmique, puisque c'est lui qui guide Rick et le spectateur dans leur trajet psychologique au fil de l'épisode. Je m'explique : Après le générique, nous sommes dans le brouillard, qui se fait métaphore de la confusion d'un présent riche en potentialités (on ne connaît toujours pas l'identité des morts). Negan annonce la structure de l'épisode lorsqu'il dit « Well, look at that, dawn is breaking. It's a brand new day, Rick ! I want you to think about what could have happened, think about what happened, and think about what could still happen ».


Chacun de ces ordres de constitue un acte et une étape dans le trajet psychologique de Rick durant l'épisode : alors qu'ils retournent au bûcher, qui leur avait servi d'avertissement dans « Last Day On Earth » (S06E16), Rick voit des flashes des dix autres candidats de Lucille (les montrant quelques minutes plus tôt en couleur et des images heureuses du passé en noir et blanc). Ici, on nous montre « what could have happened », ce qui aurait pu arriver, tous ceux qui auraient pu mourir à coups de batte. Lorsque Rick arrive sur le toit à la fin du deuxième acte, Negan réitère une partie de ses ordres (« Think about what happened ») et – à travers la réminiscence de Rick – nous voyons le meurtre sanglant de Glenn et Abraham. Enfin, lorsque Negan le pousse à quitter le toit, il lui dit « think about what can still happen », soit ce qui peut encore arriver. Dans le brouillard du présent, nous voyons dans de courts flashes des images des huit autres frappés par Lucile. Negan s'immisce au fond de notre psyché, de nos craintes, de ce que nous imaginons de pire et le convoque dans la scène. Même après son départ, le brouillard se lève et sa réplique entendue en voix off au milieu de l'épisode se fait entendre en écho « I bet you thought you were all gonna grow old together, sittin' around the table at Sunday dinner and the happily ever after… No. It doesn't work like that Rick, not anymore. Think about what happened ». Et nous avons alors cette magnifique scène de repas, avec Abraham et Glenn avec son enfant sur les genoux, cette fin heureuse vers laquelle nous espérions aller et qui ne se réalisera jamais.


On peut se douter que les flashes imaginés par Rick dans la séquence du lutte contre les zombies sont des extraits des différentes versions de la scène de fin de saison 6, qui a été tournée de dix manières différentes afin de semer la confusion chez les spectateurs pendant les six mois de latence. Or, les producteurs recyclent ces images pour leur donner une valeur potentielle dans la série, comme une rature du scénario, une fiction de la fiction, un rêve irréalisable. Dans son ouvrage Rêves et séries américaines : la fabrique d'autres mondes (2015, Rouge profond), Sarah Hatchuel appelle ce genre de phénomènes – – des « plis hypothétiques. Les séries jouent à « faire comme si... » et présentent en creux toutes sortes d'idées que les scénaristes ont pu évoquer en brainstorming, même si ces dernières n'intégreront pas la trame principale » (p.64). « Ce temps de latence devient ainsi un temps de création où la série devient une fiction collective » (p.288). C'est cet idéal de la création collective que représente ce repas, un idéal toujours brisé par les décisions tranchantes des producteurs.


Les producteurs ont fait leurs choix en connaissance des réactions violentes des fans, qui sont maintenant devenue monnaie courante dans l'industrie télévisuelle. Negan sert à maintenir nos personnages dans un état de lutte ; sachant que les créateurs se projettent sur douze saisons, le happy ending, s'il en est, est encore loin d'être en vue. Les notions de production et de productivité surgissent à plusieurs reprises dans son discours, comme si, à travers lui, les scénaristes nous parlaient pour nous faire comprendre la réalité implacable de la production télévisuelle. Le pire exemple est la réplique « You can still live a nice, productive life producing for me », où le mot life est littéralement encerclé de mots liés à la productivité. De toute façon, attendre la fin d'une série post-apocalyptique tient de l'ironie ou du paradoxe.

Leur existence est désormais prisonnière de la nécessité de produire pour Negan, comme les producteurs sont voués à produire des épisodes pour la chaîne. Le brouillard s'est dissipé et nous pouvons repartir pour quelques saisons de lutte acharnée pour la survie. Rendez-vous la semaine prochaine pour une analyse de l'épisode « The Well ».

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