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Réparer les vivants, ôde à la vie

  • Frédéric Le Compagnon
  • 16 nov. 2016
  • 4 min de lecture


Le troisième film de la cinéaste Katell Quillévéré nous offre un beau moment de cinéma. Après deux premiers longs métrages sensibles et prenants, Un poison violent et Suzanne, elle signe ici un film chorale sans acteurs principaux. Toutes les interprétations sont justes avec une mise en scène maîtrisée de bout en bout. Retour sur un film qui fait aimer la vie !


Un sujet lumineux


Par les temps qui courent, sombres et douloureux pour un grand nombre de personnes, ce film est un sublime message de vie et d'humanité. Une onde d'espoir qui fait du bien. Ce n'est pas un film sur la mort d'un jeune surfeur, ni sur le don d'organes, détrompez-vous ! C'est bel et bien une histoire sur la vie.


Simon, 17 ans, est dans un état de mort cérébrale suite à un accident de la route. Ses parents sont confrontés au délicat sujet du don de ses organes. Il ne faut pas attendre trop longtemps, au risque de ne plus pouvoir garder son coeur ou son foie intacts. Après quelques heures de réflexion le couple décide d'autoriser le prélèvement de certains des organes de leur fils. À Paris, Claire, la cinquantaine, vit au ralenti à cause d'une maladie du cœur. Il ne lui reste que peu de temps. Elle aura le cœur du jeune Simon.


La scène d'ouverture est absolument magnifique. Simon et ses amis surfent, la mer est déchaînée, comme un mauvais présage. La cinéaste nous plonge au cœur de l'action, nous laissant engloutir par l'océan. Magique mise en scène que cette ouverture, notamment lors de l'accident, la route se transformant petit à petit en océan avec en fond une immense vague symbolisant l'accident. Elle filme les paysages d'une façon douce et chaleureuse, nous laissant croire que le monde, la nature, sont nos meilleurs alliés. Chaque plan est soigné, mesuré et lumineux. Chaque plan se veut optimiste, malgré la gravité du sujet. La nature et la ville sont des personnages à part entière ici, filmés comme de longues transitions, par exemple lors du temps de réflexion des parents de Simon sur le fait d'accepter le don d'organes ou non. La cinéaste filme en caméra subjective un long trajet en voiture dans les rues portuaires du Havre. La lumière vient de ses paysages mais aussi des personnages qui, même dans leur douleur, dégage une intensité assez magnétique. Nous y reviendrons.


La lumière vient aussi de la musique, choisie avec soin par la cinéaste. Parfois folk et dynamique, parfois mélancolique et apaisante, elle ne tombe jamais dans le pathos et c'est ce qui fait sa force.

Katell Quillévéré nous livre ici son film le plus intime, le plus abouti et le plus vivant de sa toute jeune carrière.


Des personnages en état de grâce


L'autre atout majeur de ce film est sans nul doute les personnages. Pas un rôle principal, mais des rôles telle une équipe, une chorale. Les acteurs, minutieusement choisis, livrent une parfaite partition et la cinéaste les filme avec tendresse. C'est ce que chacun des personnages nous apporte : de la tendresse, de la douceur, de l'humanité. Là est toute la force du film.


Il y a cette scène sublime où Claire (Anne Dorval) quitte sa maison de campagne pour rejoindre Paris et l'hôpital. En sursis, elle est accompagnée en voiture par l'un de ses fils : elle sort la tête par la vitre avant et elle regarde en arrière vers sa maison, elle ferme les yeux et hume l'air. Comme si c'était la dernière fois. Katell Quillévéré aime à filmer ses personnages de près, capter leurs regards comme pour essayer de nous délivrer leurs plus lourds secrets. Elle les rend beaux. Emmanuelle Seigner en mère en deuil, ne sachant pas exactement ce qui lui arrive, les yeux pochés de larmes, est tout simplement magnifique. Un beauté douloureuse.


Anne Dorval, géniale actrice (notamment chez Xavier Dolan), est criante de vérité notamment lorsqu'elle entre à l'hôpital pour y subir une greffe. Elle ne veut pas y aller tant que son deuxième fils n'arrive pas. La chirurgienne (Dominique Blanc, extra) lui dit de ne pas faire de caprices, ce à quoi la mère répond magistralement : « C'est un caprice de vouloir dire au revoir à son fils ? » les yeux baignés de larmes.


Le film s'ouvre sur le visage de Simon, il se ferme sur celui de Claire. Filmée en contre-plongée Claire se réveille de son opération réussie. On lui enlève les pansements sur les yeux. Elle les ouvre doucement, puis sourit, puis pleure. Noir. Générique de fin. Très beau message de vie et d'espoir. Le cœur amoureux du jeune Simon lui donne une nouvelle chance.


Dans le livre de Maylis de Kerangal, le personnage de Claire n'est pas si étoffé. Quel bonheur de le voir plus présent à l'écran, sans pourtant délaisser le personnage capital, Simon. Celui par qui arrive la vie paradoxalement à sa mort.


Ce film est à voir, tout comme ses deux premiers (Un poison violent, 2010 et Suzanne, 2013). Le cinéma de Katell Quillévéré nous ouvre l'esprit, nous donne à espérer. C'est un cinéma proche de ses personnages et donne de purs moments de vérités.




Réparer les vivants en salle depuis le 1er novembre

Réalisation : Katell QUILLÉVÉRÉ

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