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La Fille de Brest : poignant et puissant.

  • Frédéric Le Compagnon
  • 9 déc. 2016
  • 4 min de lecture

Pour son troisième film, Emmanuelle Bercot, également actrice, signe un film poignant, humain et engagé. Elle reprend l'histoire vraie du Dr. Irène Frachon, pneumologue au CHU de Brest. Sous les traits de l'actrice danoise Sidse Babett Knudsen, on suit le parcours haletant d'un médecin de province qui se bat contre les grands patrons pharmaceutiques parisiens à propos de la dangerosité d'un médicament coupe-faim.


Une histoire poignante

La scène d'ouverture en dit long sur le personnage haut en couleur et haut en conviction d'Irène Frachon, mais aussi sur le film. Une vaste mer bretonne qui semble froide comme en hiver. Puis une silhouette se dessine, une femme nage à contre-courant et défie les éléments. D'emblée la cinéaste nous met devant le fait accompli : la force magistrale du personnage principal qui devra se battre contre de grands groupes pharmaceutiques est ici symbolisée par cette nage dans cette immense mer troublée. Dès les premières secondes du films, Bercot nous dit tout sur ce personnage. Le Dr. Frachon ne lâchera rien, envers et contre tout.

Emmanuelle Bercot aime les rôles forts et sensibles à fois. Dans son premier long, elle filmait une Deneuve éprise de liberté à 60 ans, dans son second elle dressait le portrait intimiste et bouleversant d'un jeune homme sur la voie de la rédemption (le splendide Rod Paradot). Bercot soigne ses personnages, c'est la force de son jeune cinéma en tant que réalisatrice. Cette force, elle la trouve sans doute dans ses interprétations au cinéma en tant que comédienne (notamment dans Mon Roi de Maïwenn – Prix d'interprétation à Cannes 2015). Ici, avec l'envergure du personnage Irène Frachon, elle prend plaisir à filmer et à construire une véritable histoire avec son interprète principale, Sidse Babett Knudsen.

L'histoire vraie de cette pneumologue est poignante, à bien des égards. Tiré du livre Médiator© 150mg : combien de morts ?, édité en 2010, la cinéaste n'omet rien de cette fabuleuse et courageuse tranche de vie. Ce qu'on retient en premier est l'humanité terriblement fascinante d'Irène Frachon. Elle nous est montrée non pas seulement comme un médecin mais comme une femme profondément juste, qui écoute ses patients et qui se bat pour eux. Bien souvent, le monde médical nous montre un univers dénué d'humanisme, et je ne dis pas cela pour jeter la pierre mais c'est uniquement un triste constat d'une société, où, par manque d'effectifs, on ne prend plus soin des patients au risque de mal traiter leurs maux. C'est exactement cela qui est poignant et bouleversant, cet attachement à l'être humain. Il se dégage de ce personnage et d'Irène Frachon (ne l'ayant jamais rencontrée je le présume seulement) une sympathie toute particulière de même pour ceux qui l'entourent : des membres de sa famille à ses collègues. Et malgré tout cela, jamais Emmanuelle Bercot ne tombe dans le pathos ou dans l'empathie. Elle montre avec brio et parfois avec un peu de raccourcis l'histoire de ce combat. Bien évidemment, il est assez difficile de résumer quelques années de combat en seulement deux heures.

La puissance de Brest et des interprètes

La ville de Brest, reconstruite après la guerre, est filmée telle un personnage à part entière, forte d'une identité revendiquée. Celle d'une cité tournée vers l'avenir, vers le voyage et la mer. Une ville de son époque. Brest a ici une présence inouïe et sublimée par Bercot et son équipe. Cette force est justement là pour faire contrepoint avec les paroles dures des responsables du laboratoire pharmaceutique qui, dans le film, dénigrent totalement le Dr Frachon puisqu'elle vient de Brest. Comme si tout, en dehors de Paris, n'était que mensonge et malhonnêteté. La force de la ville rejoint celle de la protagoniste principale pour faire front et mener le combat à bien (combat qui, soit dit en passant, n'est toujours pas terminé à l'heure où j'écris ces lignes…). Si Brest a une réelle puissance lyrique, il en est autant des acteurs du film.

Sidse Babett Knudsen en premier. Quelle prestance ! Quelle énergie ! Son accent danois ne ternis en rien son interprétation et elle nous offre quelques beaux moments de magie et un brin de folie qui ne gâche point le film. Au contraire, elle apporte un côté fantasque par moment – très courts – qui semble nous montrer une fêlure. Laquelle ? Je ne saurais y répondre tant le personnage est empli d'un mystère qui fait sa force, son humanisme et qu'on n'a pas envie de connaître. Benoît Magimel est très bien dans le rôle du professeur qui dirige les recherches, convaincant son gros ventre postiche l'est moins. Quel dommage. Ce qui retient mon attention, ce sont les interprétations des membres de sa famille et les scènes dans lesquelles ils partagent un bœuf musical sont assez succulentes et nous aèrent l'esprit. Quant au personnage de Corinne (l'une des victimes du Médiator©), il est dommage qu'il ne soit pas plus développé quand on voit que l'actrice qui le joue nous offre un beau panel interprétatif.

Mais la cheffe d'orchestre est sans conteste Sidse Babett Knudsen, qui après son second rôle remarqué et Césarisé dans L'Hermine (Christian Vincent, avec Fabrice Luchini, 2015), entre par la grande porte dans notre cinéma hexagonal. Proposée pour le rôle d'Irène Frachon par Catherine Deneuve, je lui promets une belle carrière en France, voire même à l'international. Et comme toute cheffe d'orchestre talentueuse, ses équipiers sont splendides de vérité et de véracité. Tous les seconds personnages gravitent autour d'elle avec aisance et équilibre.


Porté par une puissance lyrique sans égal et par une poignante histoire humaine, le nouveau long métrage d'Emmanuelle Bercot est une belle réussite comme on les aime. À voir en famille, en amoureux, seul peut-être, mais avec un mouchoir pas très loin.


En salle depuis le 23 novembre.

Réalisé par Emmanuelle BERCOT, 2H08

Avec Sidse Babett KNUDSEN, Benoît MAGIMEL, Gustave KERVEN, Isabelle de HERTOGH

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