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Rise up together: entre deux mi-saisons de The Walking Dead (J-60)

  • Quentin Fischer
  • 14 déc. 2016
  • 11 min de lecture

Chaque semaine, je fais une chronique en lien avec l'épisode de la septième saison de The Walking Dead diffusée en France sur OCS tous les lundi. Entre rétrospectives, analyses, théories et critiques, les actualités sur une série en cours de diffusion prennent de nombreuses formes, Mes articles hebdomadaires évolueront au fil de la diffusion des épisodes: je tenterai de construire un trajet critique, qui devrait s'achever lors de la diffusion du dernier épisode de la saison en avril 2017.


Je vais procéder différemment pour cet article. Je faisais chaque semaine un article définitif en lien avec un épisode donné. Seulement, nous allons devoir patienter pendant deux mois, un temps de latence où le récit s'enrichit de toutes ses potentialités (voir mon article sur « The Day Will Come When You Won't Be »). Ce sera donc l'occasion de tenter une petite expérience : je vais écrire un article, que je reprendrai à plusieurs reprises dans les semaines à venir, en fonction de la façon dont va mûrir ma perception de cette rafale de huit épisodes et de la direction que prendra le récit dans la deuxième partie de la septième saison. Elle pourra évoluer en fonction de la lecture d'articles sur internet, de visionnages d'anciens épisodes, ou d'autres facteurs spécifiques à mon expérience personnelle de spectateur pendant ce temps de latence. Mes vues changeront, et avec elles le contenu et la structure de cet article, qui prendra de l'ampleur. À chaque nouvelle "mise à jour", je modifierai dans le titre le décompte des jours avant le 12 février prochain, afin que vous sachiez quand l'article a été changé pour la dernière fois. Je signalerai les ajouts récents en changeant la couleur de la police et je garderai moi-même une version de chacune des étapes de la génétique de cet article avant qu'il ne soit clôt le 12 février 2017.



Hearts Still Beating

les mystérieux pieds (source: thesnarkingdeadrecaps.files.wordpress)

Vous trouverez beaucoup de critiques de cet épisode sur internet. Pour ma part, j'ai trouvé que les deux dernières heures de cette mi-saison valaient vraiment les épisodes singuliers que nous avons eu pendant six semaines. Cela me fait penser aux grands doubles- ou triples-épisodes de LOST, nécessaires pour boucler le développement de l'ensemble des personnages et les synchroniser en l'équivalent d'un long métrage. Après un premier épisode douloureux, à la fin de cette rafle de huit épisodes, le groupe s'est enfin collectivement remis du traumatisme initial de la saison et s'agence dans une lutte qui s'annonce complexe et difficile. Contrairement à ce que j'attendais, la jonction Alexandria/Colline/Royaume ne se fera que dans la deuxième partie de la saison, laissant pour l'instant un Richard défait et impuissant, un Morgan trop fragile pour s'engager en guerre et une Carol qui se referme sur elle-même comme un bernard-l'ermite. Si cette dernière ne change pas sa perspective rapidement, elle sera vouée, soit à disparaître dans son arrière-plan égoïste, soit à mourir et permettre à Morgan de se dynamiser. Je reviendrai petit à petit sur la façon dont ce dernier épisode a montré l'avancement des différents personnages pendant la mi-saison et a introduit les enjeux de la prochaine (je pense par exemple à ce pied avec des Rangers noires entourées de câbles électriques, un plan introduisant un mystérieux individu qui n'augure rien de bon). Après la mort de Glenn et Abraham, on se réjouit presque que les producteurs puisent de nouveau dans l'extra pool que constituent les Alexandriens pour donner aux spectateurs leur dose de sang.


Nous avons eu droit à quelques beaux dialogues, certains intégralement tirés des BD ; Channing Powell et Matthew Negrete nous ont tenu en haleine pour un épisode très bien structuré, qui montrait avec concision tous les lieux du monde fictionnel et les nombreux personnages présents. Satrazemis soigne la photographie de ses plans aussi bien que dans « Swear » et le jeu des acteurs est presque un sans-fautes. Avec plus de vingt personnages dans cet épisode (de premier ou second plan), le reste de la mi-saison apparaît comme une longue préparation à ce final choral où nous les retrouvons tous à leur juste mesure. Pas de Negan écrasant les autres, ou de Rick essayant de maintenir le consensus dans cet épisode : c'est une belle orchestration scénaristique qui vaut vraiment la préparation des épisodes précédents, si bien que la mort de deux d'entre eux est vite oubliée dans l'emphase d'un groupe qui ne cesse de s'étendre. Encore une fois cet épisode était vraiment digne des fins de saison de LOST.



Préparation et paiement

Je vais pour l'instant revenir sur le procédé dramaturgique du fusil de Tchékhov dont j'avais parlé la semaine dernière, et plus largement sur la logique narrative de préparation et de paiement, que cet épisode a bien illustré. Dans le cas de Spencer, la chose était simple : il a préparé son petit coup contre Rick et en a fait les frais aussitôt après, nous privant en même temps de révisions de latin à l'avenir (cf article précédent). C'est dans la préparation de ce tir par Rosita que le procédé est vraiment ingénieux. Eugene l'avait averti que même si elle tirait elle-même, ce ne sera certainement pas elle qui en paiera le prix. Effectivement c'est lui et Olivia qui l'ont payé. Cette dernière a été tuée de manière absolument hasardeuse (par rapport au processus décisionnel de Arat), ç'aurait tout autant pu être Tara qui se proposait de la remplacer au début de l'épisode, ou Carl qui était à côté d'elle. Elle avait beau faire tout ce qu'elle pouvait pour rassembler ses morceaux de bravoure et faire face à Negan, la pauvre n'était vraiment pas faite pour ce monde. Du point de vue de la logique dramaturgique de préparation et de paiement, le sort de Eugene est beaucoup plus intéressant : il paie de sa personne car il a fabriqué la balle et est donc entré dans le processus de préparation. Par ailleurs ce n'est pas le pistolet mais la cartouche qui intéresse Negan, un renversement intéressant par rapport au procédé du fusil de Tchékhov car le manque de munitions est devenu un problème crucial dans la série. Même dans le pays qui a la plus grande moyenne d'armes par habitant, elles finissent par manquer ! Rosita a probablement déjà réalisé son erreur : non seulement elle leur aura coûté sur le plan humain (Olivia), mais aussi sur le plan stratégique. Avoir un fabricant de munitions est un avantage militaire considérable ; dommage que ses talents ont été gaspillés dans la préparation d'une seule balle qui a à peine égratigné Lucille. Il ne reste qu'à espérer que les résistants aux Sauveurs trouveront de nouvelles armes, dont ils sont encore démunis.


Rick et Aaron se mettent en danger pour les Sauveurs (source: amc.com)

C'est que les processus de préparation et de paiement auxquels nous avons assisté cette mi-saison sont désormais pensés à trop court terme : Spencer espère seul pouvoir résoudre le problème par remplacement d'autorité, tandis que Rosita espère obtenir réparation d'un seul tir et d'une seule mort. Seulement les choses sont beaucoup plus complexes désormais. Le calcul simpliste de Morgan « j'ai pris une vie pour en sauver une autre » n'est plus une relation de cause à effet pertinente et suffisante. Il faut – comme Michonne et Rick l'ont montré dans leur petite scène résisto-romantique – penser le renversement en groupe, le planifier savamment en fonction de la complexité de la situation sur le plan stratégique (géographie, effectifs, armes, stratégies de combat, alliances, communications et coordination à distance…). Je pense même que nous n'assisterons pas nécessairement à la déchéance de Negan à la fin de la saison 7 : il se peut très bien que les alliances et la mise en commun des moyens de lutter prennent huit épisodes à se mettre en place, et que nous n'aurons notre guéguerre qu'au début de la saison 8. Il nous faudra attendre pour voir à quel rythme les producteurs font avancer le combat, mais je préférerais pour ma part qu'il prennent leur temps pour mettre en place un renversement complexe et informé qui se ferait sans nécessairement passer par le génocide de tous les Sauveurs. Dans tous les cas nos personnages vont devoir continuer de se mettre en danger pour eux.



"We can do this, only if we do it"

Le deuxième point sur lequel je veux revenir pour l'instant pote sur la mise en valeur de l'action collective dans cet épisode. Après LOST et de nombreuses séries depuis les années 2000, c'est presque devenu un cliché de la télévision contemporaine ; surtout dans des séries violentes comme The Walking Dead, où cette emphase du collectif constitue presque la seule alternative à un pessimisme ambiant. Avec des séries comme This Is Us, les producteurs de télévision américains sont passionnés par cette construction d'un nous, d'un groupe de personnages complexes qui permet d'attirer différents profils de spectateurs, personnages qui souvent ne se réalisent que dans une action collective qui leur permet de dépasser leurs manques personnels. Le nous et l' "ensemble" sont les maîtres mots de la télévision contemporaine, un aspect qui m'intéresse beaucoup dans mes recherches et dont je parlerai un peu dans cet article.


Dans cet épisode nous avons eu plusieurs exemples de cette mise en valeur du nous. Pendant la majorité de cette mi-saison, nous avons assisté à une fragmentation du groupe, détruit par le traumatisme de « The Day Will Come When You Won't Be ». Après ce big-bang initial, les personnages sont tous partis dans un trajet de reconstruction individuelle impossible et se sont réagencés et synchronisés dans ce dernier épisode pour reconstituer un groupe sans Glenn ni Abraham. Alors que ces membres du collectif étaient épars, juxtaposés dans des épisodes fermés, l'ensemble se reconstruit désormais. La première fois qu'il apparaît, c'est dans la bouche de Gabriel, qui dit à Rosita : « tu fais partie de ce "ensemble" ». Il revient ensuite dans le dialogue entre Rick et Michonne, où cette dernière insiste sur le "nous" par une pause : « on peut le faire, seulement si nous le faisons ».


Daryl rend son pistolet fétiche à Rick (source: amc.com)

Cette distinction entre le « nous » et le nous est importante : il y a le « nous » comme première personne du pluriel ; c'est le « nous » le plus général, non défini dans ses constituants. Par opposition il y a ce nous, objet d'un insistance car il désigne un groupe spécifique et défini, dont les membres s'agencent volontairement dans une action collective car ils sont mus par une intention partagée. Ce nous fait l'objet de recherches très intéressantes en philosophie sociale, et plus particulièrement dans le domaine de l'intentionnalité collective, un courant dont les grands noms sont Searle, Bratman et Gilbert. L'exemple le plus frappant, en est – après l'échange de regards à la fin de l'épisode – cette marche synchronisée, presque chorégraphique. Dans ses recherches, Margaret Gilbert prend le fait de marcher ensemble comme le paradigme de base de l'action collective : la promenade commune est déjà une action collective intentionnelle qui implique coordination des efforts. Voir nos personnages se diriger ensemble vers le manoir de la Colline, presque à équidistance les uns des autres, m'a forcément rappelé son livre Marcher ensemble : Essais sur les fondements des phénomènes collectifs. Cette marche commune est littéralement le premier pas dans l'agencement des personnages en une action complexe, collective et coordonnée. Et ce n'est pas un hasard si les préfixes « co- » et « syn- » envahissent toutes mes phrases dans cet article : le collectif devient de plus en plus clairement le principe de base de l'action dans The Walking Dead.


C'est aussi pour cette raison que Carol et Morgan se tiennent à l'écart des événements pour l'instant : en se refermant sur leurs valeurs et idéologies personnelles, ils privilégient leur santé mentale sur le bien commun, une attitude qui n'aura probablement plus longtemps sa place dans la série. Carol est prête à passer pour morte auprès de ceux pour qui elle aurait tout fait deux saisons plus tôt. Le personnage est-il arrivé en bout de parcours ? L'avenir nous le dira. Je pense que sa mort pourrait très bien achever de brouiller les repères moraux de Morgan et le remettre sur la bonne voie. Ou cela pourrait être l'inverse : j'ai en tout cas du mal à imaginer un scénario où les deux personnages survivront à cette phase de repli sur soi. La télévision est a minima un art du dialogue et si un personnage refuse de voir qui que ce soit, il est voué au hors-champ, un sort que Carol commencé déjà à vivre en se faisant désirer derrière ses murs.



Palimpsestes

Je vais rapidement revenir sur la façon dont les producteurs ont adapté une trajectoire narrative de la bande dessinée qui s'est réalisée dans cet épisode. Ceux qui ne veulent pas se faire spoiler la BD peuvent se passer de lire cette partie de mon article : j'essaierai de baliser les plus gros spoilers, mais il est difficile de commenter quelque chose sans en parler… Je ferai plus tard un plus long point sur l'adaptation des BD, mais je souhaitais aborder le passage qui a été transposé à l'écran cette semaine. Pendant longtemps, j'ai refusé de les lire, de crainte de perdre intérêt pour la série télévisée en connaissant l'autre diégèse. Or cet épisode était très proche de la bande-dessinée et j'ai vraiment adoré la façon dont les acteurs ont repris au mot près certaines tirades de Robert Kirkman. Même après sept saisons, les scénaristes adaptent très bien la bande dessinée tout en nous tenant en haleine, même pour ceux qui l'ont lue auparavant. Cela témoigne d'une écriture en palimpseste réfléchie et finement orchestrée.


Spoiler BD : Le sort de Spencer a presque été transposé à l'écran mot à mot dans cet épisode. Je ne sais pas ce que vous avez ressenti en voyant l'épisode précédent (« Sing Me a Song »), mais je pensais que nous avions eu une certaine rédemption du personnage. Seulement les producteurs ont joué sur l'ambiguïté de ses répliques pour nous laisser pantelants et rejouer les scènes de la bande dessinée presque à l'identique. Nous avons ce magnifique moment où Spencer s'entraîne à dire « salut » devant le miroir, comme un acteur qui prépare sa voix avant de rentrer dans son rôle. Ainsi Spencer se prépare à incarner la version de son personnage dans la BD, et le spectateur informé voit les échanges avec Negan se calquer sur ceux du matériau d'origine. C'est peut-être naïf de ma part, mais jusqu'au moment où il trahit Rick, je m'attendais à un retournement. ce retournement n'arrive pas et la surprise est tout aussi efficace. Nous assistons impuissants à la réalisation du destin de ce personnage, aussi stupide que dans la BD. Pourtant la tension était là tout du long et j'ai trouvé que le rapprochement avec la BD était très bien réalisé et interprété par les acteurs. Dans un article récent, je regrettais que Robert Kirkman n'avait pas écrit un seul épisode de la série depuis S05E02 « Strangers ». Je me rends maintenant compte de la futilité de cette critique. En effet ses mots sont tellement bien mis à l'écran depuis quelques épisodes, qu'il est tout autant présent que les autres scénaristes par la transposition de ces dialogues, comme nous y avons eu droit dans des épisodes comme « Service » ou « Sing Me A Song ».



En attendant la suite… conclusion ou programme ?

Pour conclure partiellement cet article avant de revenir dessus durant les prochaines semaines, je vais faire un programme des différents éléments que je souhaiterais aborder dans les modifications ultérieures. Après des chiffres qui n'ont jamais été aussi inégaux (entre dix et dix-sept millions de spectateurs selon les épisodes), il faudra faire un point sur les audiences de la série, d'autant plus qu'elles sont parfois (notamment pour « Go-Getters » et « Swear ») descendues sous la barre des onze millions, chose qui n'était pas arrivée depuis la troisième saison. Combien d'années reste-t-il à The Walking Dead ? Y-a-t-il vraiment des raisons de s'alarmer, sachant qu'elle reste la série la plus regardée de la télévision américaine ? Il faudra encore attendre les audiences du dernier épisode pour avoir un idée de la dynamique de la mi-saison. Je ferai également un point sur le trajet narratif global de cette saison et sur la façon dont les personnages ont évolué ; en janvier, les choses se seront suffisamment tassées pour que nous puissions aborder la suite des événements avec la tête froide. J'essaierai de m'y préparer à l'aune des actualités, extraits et bandes-annonces qui seront diffusés pendant la trêve. En attendant, nous allons devoir prendre notre mal en patience !


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