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"T'as d'beaux yeux tu sais"

1938. Cette réplique de Jean Gabin fait entrer la comédienne Michèle Morgan dans l'Histoire du cinéma. Son regard entre à jamais dans la mémoire collective et dans le cœur des cinéphiles avertis. L'immense actrice vient de nous quitter. Immense tristesse. Retour sur la carrière d'une des dernières légendes du cinéma d'avant-Guerre.


Jusqu'au 20 décembre 2016, il restait trois dernières grandes légendaires actrices du cinéma d'avant-Guerre. L'aînée Danielle Darrieux qui fêtera, si tout va bien, son 100ème anniversaire le 1er mai 2017 et qui débute en 1931 ; la benjamine Michèle Morgan dont la carrière explose à la veille de la Seconde Guerre Mondiale et la cadette Micheline Presle, née en 1922, qui débute en 1937 alors que leur aînée Darrieux âgée de 20 ans fait les beaux jours du cinéma.

« Les Trois Glorieuses » comme l'aime les appeler le journaliste et fin cinéphile Henry-Jean Servat ne sont plus que deux. À elles trois, Darrieux en tête, à leur manière, elles incarnent une certaine image du cinéma français. Une image chic, glamour, aux peaux lisses, leurs visages gravés pour l'éternité dans nos souvenirs.

Michèle Morgan incarnait aussi cette image là. Son regard bleu vert énigmatique s'est refermé à jamais le mardi 20 décembre, alors qu'elle allait allègrement vers ses 97 ans (elle était née le 29 février 1920). Avec la disparition de la légende Morgan, se referme une page émouvante du cinéma Français. Michèle Morgan, dont les initiales elles-mêmes incarnaient l'amour (MM ou aime, aime…), aura marqué de sa présence mystérieuse le cinéma des années 1930, 40 et 50 avant de s'effacer progressivement pour se consacrer à la peinture.


1938. Premier grand rôle pour la jeune Michèle Morgan (de son vrai nom Simone Roussel). À peine 18 printemps et elle fait face au déjà très célèbre Jean Gabin. Sous la caméra du cinéaste Marcel Carné dans Le Quai des Brumes, une réplique culte de Jacques Prévert fait entrer le regard profond, mystérieux et parfois lointain de l'actrice dans le panthéon des plus belles comédiennes du 7è Art telle Garbo ou Dietrich. Tout s'enchaîne alors pour la jeune femme qui partage un temps sa vie privée avec Gabin. En 1940, elle retrouve l'emblématique acteur pour tourner Remorques de Jean Grémillon, à Brest notamment. Très rapidement, la beauté de Michèle Morgan fait le tour du monde et elle s'envole vers Hollywood pour tenter une carrière internationale, comme sa consœur et amie Danielle Darrieux.

Malheureusement, la carrière internationale n'aura pas lieu. Longtemps présentie pour le premier rôle dans Casablanca (Michael Curtiz, 1942), les producteurs lui préfèrent Ingrid Bergman. L'actrice suédoise deviendra une icône mondiale. « MM » quitte le Nouveau Continent pour retrouver l'Ancien. Néanmoins, elle tournera tout de même pour Curtiz dans Passage pour Marseille en 1944 mais refusera un rôle dans La notte du grand Antonioni (1944) qui sera alors attribué à la française Jeanne Moreau.


Son retour en France est fracassant et couronné de succès et de prix. Elle incarne une jeune femme aveugle (un comble pour un si beau regard) dans La Symphonie Pastorale de Jean Delannoy. Ce rôle fort lui vaut le tout premier Prix d'Interprétation Féminine de l'histoire du Festival de Cannes en 1946. En 1955, elle tourne Les Grandes Manœuvres de René Clair avec le charismatique Gérard Philippe. La star Morgan est à l'apogée de sa carrière. Malgré une douce retombée, plusieurs autres grands rôles marqueront sa carrière. Notamment, Retour de manivelle (Denys de la Patellière, 1957) qui marque un tournant dans sa filmographie. Elle incarnait jusqu'alors des femmes douces et fragiles alors qu'ici elle joue une femme fatale. Les années 1950 sont pour Morgan synonyme de succès en collaboration avec plusieurs grands cinéastes (Yves Allégret dans Les Orgueilleux en 1953, Sacha Guitry dans Napoléon en 1954 ou encore avec André Cayatte dans Le Miroir a deux faces).


Les années 1960 sonnent le déclin d'une immense carrière, la Nouvelle Vague l'oublie ouvertement (hormis Claude Chabrol qui lui donne un rôle dans Landru en 1962 au côté de Darrieux). Celle qui, à force, n'aimait plus tellement qu'on lui parle de ses yeux, signe son autobiographie sous le titre Avec ces yeux-là en 1977. Retraitée du cinéma aux débuts des années 1990 pour se consacrer à sa passion pour la peinture, elle aura indéniablement marqué l'Histoire du cinéma en tournant près de 70 films en plus de 60 ans de carrière. Récompensée par plusieurs prix, elle reçoit à trois reprises la Victoire de la meilleure actrice du cinéma français (ancêtres des Césars) en 1954, 1955 et 1956. Mais aussi un César d'Honneur en 1992 et un Lion d'Honneur à Venise en 1996.


J'aime Michèle Morgan. Sa force, son regard, son mystère. Elle a su donner à ses interprétations leurs justes valeurs. Un jeu lointain et puissant à fois, donnant toute sa vie à ses rôles. Elle avait une douceur dans son visage, une passion des autres et de son métier. Elle donnait envie d'aimer et elle aura été la plus belle fiancée du cinéma français.

Michèle Morgan, qui nous était apparue sur Le Quai des Brumes, a tiré sa révérence un petit matin brumeux.

Soyez heureuse au paradis du cinéma, aux côtés de votre fils Mike, de Gabin, Carné, Clair et tous les autres...

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