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Chronique littéraire : Jagu par Denis Flageul

« Merde ! J'ai décidé que, dès le lendemain, je reprendrais du cancer ! Quelle putain d'idée j'avais eue ! Et comment imaginer que j'allais comme ça, tomber sur la maison de Marie ! Et, d'ailleurs, qu'est-ce que j'allais bien pouvoir faire et dire , si je la trouvais, par un méchant coup de hasard ? Mais quel con ! Quel incommensurable connard !.. »


Ce sont avec ces mots que le nouveau roman de Denis Flageul, Jagu, publié aux éditions Goater en septembre 2016, fonde un récit palpitant mais brusque.


Denis Flageul est professeur de Lettres et de Théâtre. Il a commencé autour de la chanson en étant le parolier du groupe Casse-Pipe ! Il fut l'un des fondateur du festival de Romans noirs : Noir sur la ville à Lamballe, qui existe maintenant depuis quinze ans. Il publie en 2001 son premier roman : Les Tempestaires, aux éditions Baleine. Il est surtout le créateur du personnage Léo Tanguy, un enquêteur breton dont il a écrit les premières aventures en 2008 dans Un fils à Papa chez les zonards, aux éditions Coop breizh. Mais le livre d'aujourd'hui touche surtout une vie ordinaire, simple, presque banale. Je dis ''presque'' car ce sont les paysages que l'on connait qui y sont décrits. Des pays d'une étrange saveur, d'un goût familier, et que chacun peut découvrir sous un aspect de vérité. C'est un grand livre honnête.


C'est donc l'histoire de Guénolé Le Mouat (Guéno) qui revient sur Guingamp après dix ans d'absence. Il sort de deux ans de prisons, dont il n'est pas très frais, et c'est ici – à attendre la correspondance qui doit l'emmener jusqu'à Paimpol – qu'il revoit Marie (la Cousine), une amie d'adolescence qui était pour lui un amour perdu. Ils finissent pas s'aimer. Guéno rencontre le frère, Richard, et son acolyte Tino ; deux mystérieux personnages qui parviennent à faire entrer le lecteur au cœur de leur deux existences. Cet amour condamné à l'ambiguité finit par ronger Guéno, ce qui fait aussi de Jagu un journal intime, liant le lecteur à cette ambiance de malaise. Les références à La Prose du Transsibérien (Blaise Cendrars, 1913) sont légères sans trop vouloir insister sur elles-mêmes. Elles viennent comme des souvenirs qui crèvent le cœur de notre héros, s'ajoutant au sein du récit comme un trait caractériel de Guéno. Il y a un nouveau point de vue sur cette société rabaissée par l'ignorance, la méprise et le sectarisme : celui d'un ancien détenu qui veut refaire sa vie dans l'amour, mais qui aux berges d'y être parvenu finit par sombrer, calmement.


Enfin, même si Guéno est d'un romantisme réaliste, il est aussi atteint par une fièvre qui le fait jouer à la fois entre un danger qui grandit sans cesse et une grande méfiance qu'il finit par tisser autour de lui. Denis Flageul peut créer dans le vulgaire grave et sévère, mais peut aussi toucher une extrême beauté, mariant sous bien des aspects une aventure unique, où l'amour creuse la tendresse, et où le courage est rempli de poésie.

Denis Flageul, Jagu, Rennes, Editions Goater, Septembre 2016.

Cette chronique a été rendue possible dans le cadre d'un partenariat avec les Editions Goater, que nous remercions chaleureusement. Retrouvez tout leur catalogue ici.

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