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Visions utopiques

Du vendredi 4 août au lundi 7 au matin, au bout du monde, dans la commune de Plougonvelin (Finistère), plus au bout du monde que le Bout du Monde, s’est tenu la cinquième édition du festival Visions, organisé par les Disques Anonymes.

Trois longs jours, et pourtant trop courts, de fête, de musique, d’excès, de vie intense, presque hors du temps et du monde. Trois jours d’utopie sous le soleil breton, face à la baie de Brest et la mer d’Iroise.

Après des semaines de grisailles et de pluies, le soleil a percé pour rester au beau fixe toute la durée des festivités. Comme si le climat avait voulu se montrer clément envers les festivaliers, ces aventuriers de la vie et de la culture. Pas une goutte ne tombera. Comme si les nombreuses salutations au soleil avaient été entendues et accueillies avec bienveillance. Un festival nous confronte à la nature, nous ramène à la condition d’êtres à la merci des éléments et en symbiose avec eux. Et pourtant nous y vivons, nous y sommes même heureux.


En même temps, quel cadre fabuleux que ce site de Berthaume ! Un complexe de blockhaus au sommet d’une falaise : à ses pieds, la plage de sable blanc, face à lui, un fort Vauban en ruines. La scène principale est un vaste théâtre de verdure qui domine la baie de Brest. Après avoir écumé la côte bretonne pour les premières éditions du festival, les pirates des Disques anonymes ont fini par établir leur repaire à Plougonvelin l’année dernière lors de la quatrième édition. Séduits par les lieux, ils y sont restés.

Et ces lieux fabuleux sont en effet une partie de la force du festival : ils imposent le respect aussi bien qu’ils déclenchent la liesse. Car quel bonheur de profiter pleinement de ces paysages en y festoyant, quelle jubilation ! Ces lieux ont le mérite d’attirer une foule de bons vivants vers la découverte d’une programmation musicale décalée, différente, souvent anonyme. Le label rennais des Disques Anonymes est fondé en 2013 par Guillaume Derrien. Il se décrit comme « un label indé et DIY [Do It Yourself] » et cultive la provocation : « Tous les téléchargements servent à acheter de la drogue aux musiciens. Merci de votre soutien ! ». Aussi le festival organisé par le label suit-il cette ligne : de la pop à la techno, tout y est indé, expé ou tout simplement spé ! Chaque groupe, chaque concert, surtout du live, qu’il soit instrumental ou machinique, a un son bien particulier, qui surprend, qui choque ou qui tabasse. Au point que les musiques qui passaient à l’after, pourtant une petite teuf maison dans un champ, étaient toutes plus commerciales et entendues que celles du festival !


Cliquez pour accéder à leur bandcamp

Mais parlons-en de cet after ! Voilà deux ans qu’un collectif local du nom de La Singerie accompagne officieusement le festival en organisant des afters le long de la côte. La rumeur circule sur le festival, une fois les concerts finis, des groupes de fêtards tentent leur chance sur les routes noires de la campagne finistérienne, l’oreille tendue, à l’écoute de la moindre basse qui signalerait leur salut. On débarque dans un champ bondé de silhouettes grises qui dansent autour de nous. Au fil des tracks le jour se lève. La mer apparaît grise à notre gauche. Nous sommes au bord d’une falaise. Comme si tous nous efforts ce soir avaient concouru à nous rapprocher toujours plus du gouffre, à le suivre à la trace.

Puis le soleil apparaît derrière nous…


La techno fait place à de la house (du rising sun), les rayons sont dardés de charley. Une voix familière se fait soudain entendre, une chanson qui parle de fleurs, qui enchantent les oreilles et illuminent les visages des danseurs dans un grand champ de magnolias.


Un grand merci à la Singerie, on espère vous revoir l’an prochain ! Amis rennais ils seront le 17 août prochain au 1988 Live Club, allez les voir ! (Lien de l'événement facebook)


Retour difficile sur le festival, un petit salut au PMU du coin qui, jouant le jeu, a transformé le parking d’en face en terrasse couverte. Plougonvelin supporte le festival et fait la fête avec lui.


Car ces moments d’utopie sont déterminés par le bon vouloir des autorités publiques. La gageure des organisateurs de festival est de permettre la fête et le relâchement en s’adaptant à un contexte qui fait tout pour les règlementer, en obéissant aveuglément à l’arbitraire qui décide parfois qu’il faut arrêter de servir de la bière à une heure du matin. L’année dernière la préfecture avait déjà décidé au dernier moment d’interrompre les festivités deux heures plus tôt tous les soirs, privant les festivaliers et les artistes de six heures de musique.


Mais la fête continue ! Elle a battu son plein pendant trois jours. Au camping situé à 30 secondes du site, sur trois scènes et un karaoké magistral ! Trois jours où on se met bien, à faire des allers-retours entre la plage, la musique, la falaise, la bonne bouffe bobo à souhait, le fort, le reste. Il est 15h, le soleil brille et une petite foule danse déjà devant la scène. Tout un tas d’activités proposées égaient ton weekend, des projections, des ateliers, le cours d’aérobic du Proffeseure Postérieur où les participants encore ivre de la veille s’agitent maladroitement pendant qu’on leur gueule dans un mégaphone de « rentrer le ventre ».


Le festival s’achève par un back 2 back, AZF et December se renvoient la balle à coup de grosse techno. Le nom du duo formé par les deux dj’s, Soft War. Douce guerre que nous menons là où nos ancêtres érigèrent fort et bunkers pour se tirer dessus la poudre noire. La poudre reste, mais là où ils se battaient, nous préférons danser. Ils guerroyaient, nous festoyons. J’appelle ça un progrès.


Un festival est quand même une sorte de guerre. Une guerre aux limites. Personnelles et collectives. Aux limites de sa sensibilité artistique et humaine, à celles fixées par certaines normes sociales qui s’imposent comme une barrière entre les gens, comme une barrière à ceux dont les mœurs divergent, les dingues et les paumés. C’est une guerre à l’inhibition et à l’isolement individualiste de notre temps.


Visions de folies, de beautés, de paysages et d'utopie. La mer et le soleil, la côte sous la lune pleine, le ciel rosé et prodé au petit matin. Un peu plus loin, sur une butte surplombant le sentier des douaniers, la silhouette d’un gars à demi nu qui, tout petit, pisse face à l’immensité de la mer et du ciel.


À l’année prochaine Visions !


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